Fuis2 Tais Toi Garde Recueillement

Sainte Croix centre d'étude et de prière orthodoxe

Fuis, tais-toi et garde le recueillement

Abba Arsène, vivant au palais, pria Dieu en ces termes : « Seigneur, conduis-moi sur la voie du salut » et une voix vint lui dire : « Arsène, fuis les hommes et tu seras sauvé ». Le même s’étant retiré dans la vie solitaire fit à nouveau la même prière et il entendit une voix lui dire : « Arsène, fuis, tais-toi, garde le recueillement : ce sont là les racines de l’impeccabilité » (« Abba, dis-moi une parole », Ed. de Solesmes, 1-2, p. 13). Fuir les hommes, se taire, garder le recueillement sont les trois degrés de l’hésychia. Cette ascension est-elle possible sans se retirer au désert et y vivre la solitude ? Pouvons-nous l’envisager en-dehors de l’engagement monastique ?

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2. Quitter le monde et revenir vers la Source

« Le retour en soi-même, nous dit saint Basile, introduit dans la relation à Dieu ».

Fuir le monde, l’agitation et la dispersion, se mettre à l’écart est une nécessité vitale pour l’homme d’aujourd’hui. Prendre un temps pour faire silence et se disposer à la Présence.
Le souvenir de Dieu amène naturellement vers la prière continuelle. « Je me suis souvenu de Dieu et j’ai été dans la joie », dit le psalmiste, « Par la mémoire de Dieu, l’homme maintient Dieu à l’intérieur de son esprit et le fait demeurer dans son cœur ».

Le mode pour garder cette mémoire est la vigilance. Être attentif aux visites du Verbe, se mettre à l’écoute de sa Présence. Se détourner du monde pour revenir vers la source de soi-même.

Quand le moine a tout quitté pour aller au désert ou entrer au monastère, il s’aperçoit le soir-même que le monde est entré avec lui dans sa cellule.
L’homme n’est pas attaché seulement aux objets mais aussi à leurs représentations, ce qui révèle le mouvement passionné, cette convoitise ou esprit de consommation et d’appropriation qui couve dans ses membres.
Les passions font considérer les êtres et les choses non en ce qu’ils sont mais selon le profit ou le désir que l’on peut en retirer.
Le monde devient ainsi pour l’homme une projection fantasmatique de ses désirs, les créatures, des moyens de satisfaire ses passions, des instruments de sa jouissance sensible.
L’esprit de pauvreté, c’est mourir à l’attachement, quitter l’avoir pour être.

Le moine hors du monde « n’a plus à combattre contre la chair et le sang mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes » (Éphés. 6,12).
« Devenir moine n’est pas vivre en dehors des hommes et du monde mais se mettre soi-même hors des volontés de la chair et partir dans le désert des passions. C’est bien dans ce sens qu’il fut dit à ce grand moine : « Fuis les hommes et tu seras sauvé ».

Car après la fuite, il demeurait au milieu des hommes, il séjournait dans les lieux habités, il vivait avec ses disciples. Dans la fuite sensible, il avait ardemment cherché la fuite spirituelle » (Saint Nicétas Stéthatos, dans La Philocalie, Ed. Bellefontaine, tome 4, p. 50), précise saint Nicétas Stéthatos. Il nous montre ainsi que le désert ne fait pas le moine, que la solitude ne fait pas l’hésychaste, mais que l’essentiel est dans la disposition du cœur.

Fuir le monde, c’est « fuir la convoitise des yeux, de la chair, la présomption des pensées, le mensonge du visible ». « Le travail ascétique le plus important, écrit saint Théophane, est d’empêcher le cœur de s’abandonner ou de consentir aux fantasmes et aux mouvements passionnels ». « Mon frère, les passions sont des afflictions ; c’est pourquoi le Seigneur ne nous excommuniera pas à cause d’elles. Au contraire, il a dit : « Invoque-moi au temps de l’affliction, je te délivrerai et toi, tu me rendras gloire » (Ps. 49, 15).

Par conséquent, quand tu es assiégé par une passion quelconque, tu ne peux rien faire de plus que d’invoquer le Nom de Dieu. Tout ce que nous pouvons faire, faibles comme nous sommes, c’est de nous réfugier dans le Nom de Jésus. En effet, les passions, qui sont des démons, se retirent quand on invoque ce Nom » (Saints Barsanuphe et Jean, cités dans L’Art de la Prière, Ed. Bellefontaine, p. 273).

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