Pardon9

Sainte Croix centre d'étude et de prière orthodoxe

Le pardon : pour rompre avec une logique meurtrière

Notre civilisation et bien d’autres avant nous, ont été fondées sur le meurtre. Qu’il nous suffise de rappeler la civilisation égyptienne, l’empire romain, l’empire mongol,…et tous les génocides qui ont eu lieu dans l’histoire.

La logique meurtrière est à l’oeuvre partout, elle éclabousse nos écrans de télévision, nos journaux à tel point qu’elle fait partie de notre univers et alimente la violence et la haine en permanence. Sans cesse il nous est montré combien la violence engendre la violence par la force du mimétisme. La loi de la répétition est à l’oeuvre sans que l’on puisse lui entrevoir un terme.

Est-il possible de briser la logique meurtrière, de rompre avec la fascination du mal, avec l’enchaînement et le déchaînement de la violence ? Est-il possible de sortir de la répétition et de l’inertie du passé, des mécanismes inconscients mis en place par l’enfant blessé qui est en chacun de nous ?

Père Philippe Dautais

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9. Distinguer les actes et les personnes

La réaction à l’offense peut entraîner une surenchère de la violence. Les anciens nous invitent dans un premier temps à un processus de désidentification : « Hais le péché mais aime le pécheur » affirmait Saint Augustin. Il s’agit bien de condamner les actes répréhensibles mais d’agir avec discernement et miséricorde vis-à-vis des personnes.

Saint Isaac le Syrien ajoutait : « Ne déteste pas ton frère mais les passions qui lui font la guerre ». C’est préciser que l’ennemi n’est pas le prochain mais les passions qui couvent dans ses membres et… dans les miens.
Pour cette raison le chemin du pardon commence toujours par une conversion personnelle, il se poursuit en usant de violence contre les passions pour conquérir l’amour : « ce sont les violents qui s’emparent du royaume » (Mat. 11/12). La violence qui n’est pas au service de la conquête du Royaume s’exerce contre l’autre.

Etre dans la révolte contre l’autre, c’est n’avoir pas pardonné à la finitude, aux manques, à l’offense, c’est n’avoir pas accepté ma fragilité, ma pauvreté et ne pas avoir posé de regard clair sur moi et ne pas avoir vu mon propre péché. « Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton oeil, et alors tu verras comment ôter la paille de l’?il de ton frère ».(Mat7/5).

C’est dire combien la pratique du pardon suppose un chemin de conversion et une certaine maturité spirituelle. Son terreau est le désir du pardon. La part de l’homme est de désirer pardonner, de se disposer de tout son être. C’est Dieu qui rendra fécond ce désir par un don d’amour.

Ainsi le pardon devient l’exercice de l’amour par l’ouverture à la grâce sanctifiante. Bien souvent, c’est seulement Dieu, ou le Christ, qui peut pardonner en nous. Il nous fait découvrir que l’amour de Dieu est disponible dans notre coeur, que nous sommes aimés et que cet amour se révèle au fur et à mesure qu’on le donne. Par lui nous apprenons à devenir aimants et à nous libérer de l’aliénation enfantine par laquelle nous sommes en quête constante du regard et de l’amour du proche.

La perspective se renverse. Là où j’avais soif d’être aimé, je découvre par l’exercice du pardon que je suis aimé de Dieu, que je ne peux aimer le proche que par l’amour que Dieu a déposé dans mon coeur. C’est en donnant et en pardonnant que je manifeste l’amour de Dieu pour l’homme.
« Si tu savais le don de Dieu » dit Jésus à la femme samaritaine. Il lui montre que lorsqu’elle a attendu d’être comblée dans son désir d’amour par un être limité, elle a toujours été déçue. (Elle a eu cinq maris et celui avec lequel elle vit n’est pas son mari). Le Seigneur lui révèle que son désir d’amour ne sera comblé que par « l’amour sans limites ».

Le Christ nous invite par la Samaritaine à puiser à la source de l’amour pour pardonner soixante dix fois sept fois, pour établir la paix par le moyen de la miséricorde : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Luc 6,36). Il ne peut y avoir de paix en dehors de l’esprit de vérité et de l’esprit du pardon, en dehors d’une triple démarche de réconciliation : réconciliation avec Dieu, avec soi-même, avec le prochain. Ce qui nous ramène aux deux commandements essentiels de l’amour qui sont toute la loi et les prophètes : « tu aimeras ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toutes tes forces et ton prochain comme toi-même ».

Dans l’exultation de découvrir une telle capacité d’amour dans le c?ur et par elle d’entrer dans la liberté glorieuse des enfants de Dieu, nous pouvons faire nôtre la prière de Saint François d’Assise :
O Seigneur, que je ne m’efforce pas tant d’être consolé que de consoler
d’être compris que de comprendre
d’être aimé que d’aimer.

Car c’est en donnant que l’on reçoit
c’est en s’oubliant soi-même que l’on se retrouve soi-même
c’est en pardonnant que l’on obtient le pardon
c’est en mourant que l’on ressuscite à la vie éternelle.

Père Philippe Dautais

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