Pardon8

Sainte Croix centre d'étude et de prière orthodoxe

Le pardon : pour rompre avec une logique meurtrière

Notre civilisation et bien d’autres avant nous, ont été fondées sur le meurtre. Qu’il nous suffise de rappeler la civilisation égyptienne, l’empire romain, l’empire mongol,…et tous les génocides qui ont eu lieu dans l’histoire.

La logique meurtrière est à l’oeuvre partout, elle éclabousse nos écrans de télévision, nos journaux à tel point qu’elle fait partie de notre univers et alimente la violence et la haine en permanence. Sans cesse il nous est montré combien la violence engendre la violence par la force du mimétisme. La loi de la répétition est à l’oeuvre sans que l’on puisse lui entrevoir un terme.

Est-il possible de briser la logique meurtrière, de rompre avec la fascination du mal, avec l’enchaînement et le déchaînement de la violence ? Est-il possible de sortir de la répétition et de l’inertie du passé, des mécanismes inconscients mis en place par l’enfant blessé qui est en chacun de nous ?

Père Philippe Dautais

1  |  2  |  3  |  4  |  5  |  6  |  7  |  8  |  9

8. Le pardon vrai est un pardon en vérité

Pardon et vérité riment ensemble. La vérité est la condition de la réconciliation. Il ne peut y avoir de vraie relation s’il subsiste des non-dits, si chacun ne reconnaît pas ses fautes pour les assumer dans le repentir, c’est-à-dire dans l’amour de Dieu. Le repentir et le pardon sont liés (Luc 17/3) et ne trouvent leur sens que dans la relation à Dieu qui « ne veut pas la mort du pécheur mais qu’il se convertisse et qu’il vive » (Ez. 18).

Le pardon n’est pas oubli mais expression d’un surcroît d’amour qui perçoit la beauté et la richesse de l’autre sans s’arrêter à l’apparaître, aux apparences. Cela suppose d’avoir un regard neuf qui ne soit pas entaché des mémoires parasites (jugements, critiques…). Pardonner c’est dire à l’autre qu’il est plus que ses fautes ou ses crimes, beaucoup plus que l’image qu’il peut avoir de lui-même. C’est renoncer à réduire l’autre à ses manques ou à ses fautes, à l’enfermer dans un jugement pire dans une condamnation ou dans une culpabilité qui pourraient le mener à l’endurcissement du c?ur. En final, pardonner à l’autre c’est l’accepter dans sa différence, dans son altérité. Différence vécue non plus comme rivalité mais comme richesse.

L’oubli ne signifie pas le pardon mais le refoulement. Dans le même ordre l’impunité laisse triompher le mensonge et peut être un encouragement à la poursuite des violations.

Si la vérité est nécessaire pour se libérer des répétitions de l’histoire elle doit s’accompagner du pardon. Les deux sont très difficilement conciliables. Beaucoup s’y sont essayés tel Gandhi qui a été un maître en la matière et pour qui la dimension de la vérité était centrale. D’autres s’y essayent encore tel aujourd’hui Nelson Mandela en Afrique du sud.

Faire la vérité est nécessaire pour que les préjudices soient bien établis mais elle doit être accompagnée du pardon pour briser le cycle infernal des rancunes destructrices. En effet, hors de l’esprit du pardon, la blessure engendre la révolte, le ressentiment, la rancune qui vont nourrir l’esprit de vengeance, en bref la violence. Cultiver le ressentiment, c’est prendre le risque d’entrer dans la logique meurtrière du jugement, de l’accusation du frère, de la calomnie dans le secret dessein de se faire justice, de redresser les torts.

1  |  2  |  3  |  4  |  5  |  6  |  7  |  8  |  9