Si tu veux entrer dans la vie…
Au cœur d’une société inscrite dans un dynamisme effréné où les innovations
technologiques se succèdent et nous entraînent vers une révolution culturelle,
comment ne pas s’interroger sur la réalité humaine. Les statistiques concernant
les suicides, les dépressions et la consommation des psychotropes ne peuvent
nous laisser indifférents. Lorsque nous nous promenons en ville nous pouvons
ressentir la montée de tension, l’élévation du niveau d’angoisse. Autant de
réalités que les plus jeunes perçoivent et traduisent à leur manière par un désir
de fuite. La drogue, les jeux, internet sont autant de vecteurs qu’ils
affectionnent. Il est difficile de ne pas être sensibilisés par leur désarroi ni
préoccupés par les pertes du sens et du goût de la vie. Ne trouvant pas de motifs
suffisants pour engager la lutte existentielle, bon nombre s’inscrivent dans la
démission et la perte de motivation. Ceci ne touche pas uniquement les
adolescents mais aussi une tranche d’âge qui tend à s’élargir. La dépression
guette. Cette maladie du désir se répand sournoisement au cœur d’une société
qui officiellement affiche un enthousiasme arrogant.
En écoutant les adolescents et les jeunes générations, il apparaît clairement que
presque tous confondent l’existence avec les conditions de l’existence. Ce
faisant, ils se trouvent confrontés à un monde qui ne les enchante pas. On peut
les comprendre. Il n’est pas rare d’entendre ces paroles qui font mal : « Je n’ai
pas demandé à naître ». Paroles qui expriment un refus d’accepter la vie telle
qu’elle se propose. Combien de fois un être humain au cours de sa vie est-il
confronté à l’âpreté de l’existence, à la dureté de la réalité de ce monde ?
Face à cette vague dépressive pour qui l’existence est « galère » ou lutte pour la
survie, il devient urgent de redonner du sens et pour cela d’ouvrir sur des
espaces au delà de notre finitude. Il convient de réaffirmer que l’homme n’est
pas pour le monde, mais le monde est pour l’homme, que la finalité du monde
dépasse les limites étroites de ce monde. Ce monde, notre réalité existentielle,
comme le remarquaient déjà les philosophes de l’antiquité, est polarisé par la
mort. L’existence enfermée dans les catégories de ce monde, trouve son terme
dans la mort qui réduit à son tour toute existence à l’absurde.
La vie dans les réalités de ce monde est cyclique. Nous sommes comme
enfermés dans des mécanismes de répétition qui sont aliénants. Combien y a-t-il
de vies qui tournent en rond et qui finissent par s’user. Vies qui, le plus souvent,
sont réduites à la simple dimension fonctionnelle et cyclique : métro-boulot-
dodo. Il est vrai que bien souvent, nous nous surprenons à fonctionner plutôt
qu’à vivre entraînés que nous sommes par les habitudes.
Il semble bien que les tendances dépressives soient liées à l’ignorance, à
l’aveuglement et finalement à l’enfermement dans les conditions de ce monde.
Où est la Vie de la vie ?
Mais, comme le remarque le petit prince, l’essentiel n’est-il pas invisible à nos
yeux. Plongés dans les réalités de cette existence ne passerions-nous pas à côté
de la vie. Mais qu’est-ce que la vie ? Ou, pour reprendre une interrogation qui a
traversé les siècles : où est la Vie de la vie ? Comment entrer dans la vie ? C’est
justement à cette question que répond le Christ dans les Evangiles.
Un homme s’approcha et dit à Jésus : « Maître que dois-je faire de bon pour
avoir la vie éternelle ». Jésus répondit par cette phrase qui est éloquente : « Si tu
veux entrer dans la vie, observe les commandements ». Mat 19/16
Il nous est signifié tout d’abord que l’existence n’est pas la vie mais seulement
le seuil de la vie. Le Christ nous propose d’entrer dans la vie, de participer
pleinement à la vie éternelle. Il nous montre que l’accès à la vie dépend de notre
désir : si tu veux. Tirés du néant nous avons été amenés à l’existence. Existence
qui nous est donnée pour exprimer notre liberté. Dans le livre du Deutéronome,
Dieu met l’homme face à sa liberté : « Vois, je mets aujourd’hui devant toi la vie
et le bien, la mort et le mal ». Deut. 30/15
En d’autres termes, la question qui nous est adressée à chaque instant est : veux-
tu vivre ? Est-ce que tu dis oui à la vie qui se propose ? La réponse dépend du
sens que nous pouvons donner à notre vie dans l’instant. Ce sens nous est
indiqué par la parole du Christ : « , observe les
commandements ». Ces commandements nous invitent à respecter l’autre,
respecter toute créature, puis finalement à aimer notre prochain comme nous-
même. Prendre soin de la vie, c’est donc prendre soin de l’autre, prendre soin de
la relation. La vie est relation. Vivre c’est être en relation. A priori, nous ne
savons pas vivre selon ce mode. Cette existence nous est donnée pour apprendre
à vivre dans la relation à l’autre et bien plus au Tout-Autre. Nous en verrons plus
loin la pédagogie.
La dynamique du désir
Le jeune homme riche répondit : « Tout cela, je l’ai observé que me manque-t-il
encore ? » Jésus lui dit : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes,
donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens et suis-moi. »
A nouveau, le Christ renvoie le jeune homme à son désir : si tu veux…
Le désir est, à sa source, une puissance de vie, une capacité de vie en l’homme.
Entrer dans la vie c’est entrer dans la dynamique originelle du désir. C’est
comme si le désir était l’expression d’une formidable transmission de vie qui fut
donnée dans l’acte de création. Il n’est jamais superflu de rappeler que l’homme
est un être potentiel, créé à l’image de Dieu pour un accomplissement, en vue de
la ressemblance. Etre ressemblant à Dieu, c’est être devenu consciemment
l’image de Dieu que nous sommes. La vie éternelle est dans la ressemblance,
dans la vision de Dieu tel qu’il est (1Jn 3/2). L’apôtre Jean nous rapporte aussi
cette parole du Christ : « La vie éternelle c’est qu’ils te connaissent, toi le seul
vrai Dieu et celui que tu as envoyé Jésus-Christ » Jn. 17/3.
Voir Dieu autant qu’atteindre à la ressemblance est impossible à l’homme. Mais
ce qui nous appartient est le désir de voir Dieu ou le désir de participer à la vie
divine. Dieu attend l’expression de notre désir et ne veut rien nous donner hors
de ce désir par respect pour notre liberté.
Dans les Evangiles nous trouvons, comme souvent, deux paroles apparemment
contradictoires : « le Père sait de quoi vous avez besoin avant que vous le lui
demandiez » Mat 6/8 et « vous n’avez jamais rien demandé en mon Nom,
demandez, demandez et l’on vous donnera, cherchez et vous trouverez, frappez
et l’on vous ouvrira, car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve et
l’on ouvrira à celui qui frappe » Mat 7/7-8.Ces paroles expriment le dialogue du
désir et de la grâce, désir de l’homme et grâce divine. Dialogue où la dimension
du désir en l’homme prend tout son sens. Il semble bien que ce désir soit
secrètement travaillé par la grâce au cœur du shabbat divin. La kénose divine
n’a-t-elle pas pour effet, selon le témoignage des saints, d’accroître en l’homme
le désir ? Désir qui rend la créature capable d’aspirer à l’absolu. Désir infini ou
désir de l’infini que le fini ne pourra jamais combler. « Le comble du désir, nous
dit Grégoire de Nysse, est de devenir dieu par grâce ».
La guérison est dans l’ouverture au désir de vie
La vie spirituelle est éveil à ce désir natif de l’être. Le sens et le goût de la vie
ne peuvent être trouvés que dans la dynamique de ce désir.
Dans les Evangiles, Jésus se révèle comme pédagogue pour nous conduire à la
plénitude de vie. Il révèle à la Samaritaine la profondeur du désir « si tu savais
le don de Dieu » Jn. 4. Il appelle l’homme de désir : « que l’homme assoiffé, que
l’homme de désir reçoive l’eau de la vie gratuitement » Apoc. 22/17. Adam,
comme l’hébreu le signifie, est essentiellement un être de désir. Il n’y a pas
d’accomplissement possible sans le désir de l’homme, sans son oui. Ainsi, en
toutes choses, il nous faut prendre soin de ce désir qui est dans la profondeur la
Vie de la vie, le souffle de l’Esprit Saint en nous. S’ouvrir au désir de vie, c’est
s’ouvrir au Souffle de l’Esprit qui seul sanctifie et déifie. Se fermer à ce souffle,
au désir de vie ou détourner ce désir vers des finalités existentielles, c’est
contrister l’Esprit Saint.
L’homme lié aux conditions de ce monde aliène son désir aux objets du désir. Il
se rend dépendant des réalités matérielles et des contingences de ce monde.
Cette aliénation du désir conduit vers la mort. Le désir s’épuise à chercher la vie
là où elle n’est pas. Il ne faut pas confondre la vie avec les signifiants de la vie.
Le cosmos, la nature, la faune, la flore nous signifient la vie mais ils ne sont pas
immortels. La vie est en eux mais leur durée de vie est éphémère.
« Cette vie, nous dit l’apôtre Jean, s’est manifestée, nous l’avons vue, nous en
rendons témoignage et nous vous annonçons la vie éternelle qui était auprès du
Père et qui nous a été manifestée… » 1Jn 1/2.
Jésus, qui est la vie (Jn 1/4) invite le jeune homme à entrer dans la vie par la
relation : « viens et suis-moi ». Mais celui-ci s’en alla tout triste car il ne peut se
libérer des contingences matérielles, des avoirs. Il dut renoncer à la relation
d’intimité et de réciprocité à cause de l’attachement aux biens de ce monde. Il ne
peut-être en correspondance avec son aspiration à être à cause de l’avoir. Il s’en
alla tout triste car qu’est-ce que la vie sans la joie de vivre ? Quelle
correspondance peut-il y avoir entre la joie et la satisfaction des désirs
immédiats ?
Le plus lourd fardeau est d’exister sans vivre
Nous voyons autour de nous combien la satisfaction systématique des désirs tue
le désir. Nous savons qu’un être qui n’a plus de désir est un être qui se laisse
mourir. L’anorexie, la dépression sont des maladies du désir. Elles sont souvent
liées à des réalités existentielles insupportables. Elles sont la marque en même
temps d’un état de rupture : rupture avec soi-même et avec l’autre. Là où il y a
rupture de relation, il y a perte du sens et du goût de la vie. « Le plus lourd
fardeau est d’exister sans vivre » disait Victor Hugo. La plus grande souffrance
est certainement celle de subir l’existence, d’être participant malgré soi de la vie
que nous portons. Les résistances, les refus sont presque toujours vis-à-vis des
conditions de l’existence. Ils sont les marques d’une ignorance de ce qu’est la
vie. Ceux qui vivent l’enfer de la dépression jusqu’à la tentation du suicide
subissent ou continuent de subir des situations intolérables qu’ils cherchent à
fuir. Avant tout ils ne savent pas comment entrer dans la vie après s’être laissé
entraîner vers l’exil.
Pour passer d’une vie subie à une vie choisie, il nous faut passer d’un refus au
oui à la vie. Ce oui à la vie nécessite certainement de réhabiliter la disposition à
l’émerveillement, à l’étonnement. Nous vivons un univers saturé de nouveaux
produits, de nouvelles innovations, un univers saturé d’informations où il n’y a
plus de place pour l’étonnement. Tout devient ordinaire et banal. Pire, tout doit
répondre aux exigences de l’homme : tout, tout de suite.
Or l’émerveillement ne peut naître que lorsqu’on a découvert que rien ne va de
soi. Nous avons l’habitude de considérer l’extraordinaire comme ordinaire et
« normal ». Or, de l’équilibre de l’univers, des planètes jusqu’au renouvellement
de la nature à chaque printemps, tout procède du miracle permanent, tout est
grâce, s’écriait Thérèse de l’Enfant Jésus.
L’émerveillement est l’expression d’une sensibilité spirituelle par laquelle on
peut discerner l’extraordinaire dans la banalité du quotidien. Elle peut nous
ouvrir à la reconnaissance de l’action de la grâce divine dans nos vies. C’est par
cette sensibilité que l’homme égaré peut retrouver le goût de la vie. C’est en
reconnaissant une grâce comme une grâce, que peu à peu il pourra vérifier
expérimentalement qu’il est aimé et que à chaque instant, il lui est fait don de la
vie. Retrouver la capacité de s’émerveiller, c’est s’ouvrir à une vie plus vaste, à
une dimension de la vie qui échappe aux conditions de l’existence. A l’opposé,
la perte de la foi, la négation de Dieu proviennent de l’insensibilité à la grâce, de
l’indifférence où l’être ne sait plus accueillir une grâce comme telle. Devenus
insensibles à la grâce, ils ne savent plus que Dieu est miséricorde et tendresse.
Malheureusement, c’est souvent dans la maladie ou après l’épreuve d’un accident
que l’on fait l’expérience que rien ne va de soi. Par exemple après une
fracture d’un membre, on peut vérifier que bouger un membre ne va pas de soi.
Ce peut être l’occasion de passer du tout est dû au tout est don.
Reconnaître les grâces reçues
Le chemin vers la vie ne serait-il pas relatif à la reconnaissance des grâces
reçues : « Qu’as-tu que tu n’as reçu »…, « Si tu savais le don de Dieu ». Avant
de reconnaître le donateur, peut-être s’agit-il de reconnaître un don comme un
don.
En ce sens, apprenons à lire les trois modes de révélation qui correspondent à
trois dons de Dieu ou trois grâces :
1. La grâce de la création
2. la grâce de la Thora
3. la grâce de la filiation
1. La grâce de la création
Il nous faut bien admettre que reconnaître le cosmos comme une création
n’est pas une évidence. L’homme a, en effet, tendance à ne retenir que ce qui
« tombe sous le sens », à se fier principalement à ses sens et aux instruments
qui les prolongent. Seul ce qui est observé est considéré comme réel. Ainsi la
révélation de Dieu par la nature est soumise au doute à cause du caractère
subjectif de son mode de perception. Ce faisant l’homme enfermé dans
l’apparaître, dans l’extérieur des choses, limité aux apparences n’a pas accès
à la révélation naturelle. Il ne sait pas la lire et se trouve dans l’impasse du
non-sens ou de l’absurde.
Cependant, beaucoup de personnes, ici et là, témoignent que, au cours d’une
épreuve intérieure, elles ont retrouvé la vie par le contact avec la nature.
Souvent, c’est par et dans ce contact qu’elles ont eu l’intuition que le cosmos
n’est que la manifestation d’une réalité ultime qui transcende le monde. La
Bible vient confirmer cette expérience en révélant que le cosmos est une
création. Par la révélation biblique, Dieu se révèle comme créateur, Il entre
en relation avec l’homme et désire faire alliance avec lui.
Dès le premier chapitre de la Genèse, nous découvrons que le cosmos a été
créé par les dix paroles. Il est, selon cette révélation, le lieu d’inscription des
énergies divines comme nous l’affirme le psaume 18 : « Les cieux racontent
la gloire de Dieu, le firmament proclame l’œuvre de ses mains ». Le monde
sensible est donné comme le miroir des choses surnaturelles qui renvoie
l’homme à son Créateur. Ainsi, nous sommes invités à ouvrir notre regard sur
l’invisible du cosmos pour y déchiffrer la gloire de Dieu cachée dans les êtres
et les choses. Dans ce regard, qui est le regard de la foi, le cosmos n’est plus
vécu comme le tout de la réalité mais comme un océan de symboles selon
Isaac le Syrien, comme le lieu d’un immense dialogue de l’homme créé avec
son Créateur. Le cosmos devient théophanie, manifestation de la gloire de
Dieu rendue palpable et visible. Dieu se donne à connaître tout d’abord à travers
ses œuvres. « En effet, nous dit Saint Paul, les perfections invisibles
de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité se voient comme à l’œil nu
depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages »
Rom 1/20. Ainsi, ceux qui ont reçu la révélation biblique ne peuvent plus
ignorer la révélation naturelle. S’ouvre devant eux un espace de
contemplation qui les conduit vers la perception de l’invisible et vers le
pressentiment du donateur dans le don de la création. L’homme est élevé de
la conscience sensorielle à la connaissance par la foi.
Saint Isaac le Syrien (VIIème siècle) dit que la foi est plus fine que la
conscience des choses sensibles et il ajoute : « la connaissance s’achève dans
la foi et reçoit de la force pour s’élever et pour sentir Celui qui est au dessus
de tout savoir… »
Reconnaître le cosmos comme une création c’est reconnaître le Créateur qui
nous fait don de la vie à chaque instant. Si la vie m’est donnée, je suis inscrit
dans une relation avec le donateur. Entrer dans la vie, en ce sens, n’est-ce pas
devenir conscient de cette relation.
2. La grâce de la Thora
Comme nous l’avons vu, la Thora éclaire la révélation naturelle et lui donne
une orientation. La Bible est le livre du sens. Toute l’Ecriture Sainte est
orientée vers l’accomplissement qui donne sens à toute l’histoire et à la
création elle-même. Ainsi, la Révélation Biblique est traversée par une
tension eschatologique. L’Ancien testament prend sens dans le Nouveau par
l’incarnation du Logos et le Nouveau testament prend sens dans les dernières
paroles de l’Apocalypse : « Maranatha, viens Seigneur Jésus ».
La Révélation Biblique décrit l’histoire de l’homme. Dès que l’homme est
créé, Dieu fait alliance avec lui puis, par l’incarnation du Verbe, vient s’unir à
lui pour, par la grâce de l’Esprit, le faire accéder à la vie éternelle. La
Révélation met en évidence la pédagogie divine et ouvre l’homme sur la
dimension verticale de l’histoire, sur la relation divino-humaine. Dans la
Bible, Dieu parle aux hommes et des hommes engagent leur vie en réponse à
l’appel de Dieu. Noé, Abraham, Isaac, Jacob, Moïse sont autant de figures
qui ont répondu à l’appel de Dieu, et sont entrés dans une alliance avec Lui.
Ils ont inscrit leur vie dans la relation à Dieu et ont permis à Dieu
d’intervenir dans l’histoire et de forger un peuple. Ils ont su se mettre à
l’écoute de Dieu en leur cœur et ont su lire les interventions divines dans leur
vie. Car Dieu parle et agit continuellement par les êtres et les choses, par les
concours de circonstance, par et dans les évènements. L’entrée dans la vie
demande une attention vigilante, un grand exercice de l’écoute. Les
événements et les rencontres deviennent alors une occasion d’être à l’écoute
de la pédagogie divine, de ce que Dieu veut me signifier au cœur de mon
existence. L’écoute est l’attitude fondamentale du disciple. Par elle, le
disciple échappe à l’emprise des conditionnements pour se situer dans la
relation essentielle, dans l’axe du désir originel. Il a saisi que les événements,
les circonstances, les œuvres sont autant de paroles incorporées, de paroles
délivrées au cœur de son histoire. Il se laisse ainsi conduire par le maître de
la vie, demeurant dans un dialogue continu. Etre dans la vie, c’est demeurer
dans la réciprocité de la relation, dans le dialogue incessant.
Vivre en Christ, c’est vivre ce dialogue, c’est vivre en relation.
3. La grâce de la filiation
A la lumière de la Révélation Biblique, les chrétiens voient comment Dieu
les conduit par les évènements, les circonstances, la voix de leur conscience,
par les intuitions, les songes, vers une communion toujours plus parfaite avec
Lui. Il les conduit ainsi vers la théosis, la déification.
Par ce dialogue continu, la présence de Dieu devient plus claire, plus
évidente. Dieu s’incarne progressivement en l’homme qui apprend à
connaître Dieu de l’intérieur jusqu’à pouvoir dire comme Saint Grégoire le
théologien : « Je suis vécu par le Christ » ou comme Saint Paul « Ce n’est
plus moi qui vis mais le Christ qui vit en moi ».
Ainsi s’acquiert la connaissance de Dieu qui se fait intime – connaissance qui
n’est pas savoir sur Dieu mais le fruit d’une intimité, d’une communion.
Chemin d’unité où l’être s’est unifié corps, âme, esprit et est devenu UN avec
la Vie, dans une union sans confusion avec Celui qui est la Vie.
Père Philippe Dautais