Nativite

Sainte Croix centre d'étude et de prière orthodoxe

Nativité 2012 pdf l'attention

« Cieux écoutez, terre prête l’oreille, car le Seigneur parle (Isaie 1/2). C’est par cet
appel à l’attention que le prophète Isaïe introduit son témoignage. Les peuples
sont en quête de nouveauté, ils sont dans l’attente d’un nouvel âge prometteur,
d’un avenir heureux et porteur de justice. Isaïe répond à cette quête en invitant à
la vigilance, car la nouveauté ne vient pas de manière à flatter les regards, elle ne
vient pas de l’extérieur mais peut surgir de la profondeur du cœur. Le Christ dans
les Evangiles nous dit : si vous entendez dire que la nouveauté est ici ou qu’elle est
là, n’y allez pas, ne le croyez pas car le « Royaume de Dieu est au dedans de vous ».

Isaïe, puis les Evangiles, nous invitent à prêter l’oreille pour discerner la nouveauté
à l’œuvre au sein du temps présent : « voici que je fais du nouveau qui déjà paraît,
ne l’apercevez-vous pas
» (43/19). La nouveauté n’est pas à venir, elle germe dans
tous les cœurs bien disposés, en tous ceux qui sont artisans de paix, de justice, en
tous ceux qui prennent soin des plus démunis, en tous ceux qui œuvrent pour la
réconciliation des êtres et des peuples. Des multitudes de germes fructifient un
peu partout sur la planète. Pour les apercevoir, il nous faut prendre conscience de
notre état d’exil. Nous vivons au niveau des seuls phénomènes, happés par
l’actualité diffusée et filtrée par les médias, dans une lecture rabattue à
l’horizontale où s’égrènent les faits divers, les débats d’opinion et les scoops qui
donnent l’illusion d’une nouveauté. Notre conscience est enfermée dans
l’objectivation qui réduit toutes choses à l’état d’objets commercialisables. Or
l’objet est la négation du mystère et le triomphe de l’extériorité. On confond la
réalité avec ce que l’on en perçoit depuis notre monde d’exil. Ayant tout réduit à
l’objet, nous trouvons l’absurde or, dans la surdité plus rien n’a de sens, la
nouveauté est inaccessible. L’homme s’enferme alors dans la confusion des valeurs
et dans la logique de la seule rationalité, en précisant qu’il ne faut pas confondre la
raison et la rationalité. Dans cet état d’exil, l’attente de la nouveauté relève du
fantasme, de la science fiction ou de l’illusion.

Une mutation est en cours, les crises que nous traversons en sont le signe. Crise
des valeurs, crise d’une civilisation dominante construite sur l’appât du gain, le
profit, l’avidité, la cupidité, l’égoïsme, une vision matérialiste du monde, crise
spirituelle car elle prend racine dans le cœur de l’Homme. Le mot grec « Krisis » a
le sens de choix, discernement. La crise met en évidence des dysfonctionnements
dont il s’agit de prendre conscience pour un changement d’orientation, pour sortir
des impasses. La première exigence est d’accepter de regarder la réalité telle
qu’elle est sans la déformer, sans l’habiller ou la travestir pour mieux discerner la
réponse appropriée. Appel à un saut qualitatif, à une ouverture de conscience qui
doit être complétée par des actes. La seule menace à laquelle nous soyons
confrontés est le déni, le refus de voir, c’est de ne pas prendre la mesure de la
situation actuelle, de ne pas prendre les décisions adéquates et de ne pas poser les
actes nécessaires. La seule menace vient de l’être humain et non pas
d’extraterrestres ou d’évènements cosmiques. Lorsqu’une réalité est perçue, nous
ne pouvons pas faire comme si elle n’était pas perçue. Nous ne pourrons pas dire :
nous ne savions pas.

Cette mutation ne sera salutaire que si l’être humain s’ouvre à la nouveauté par un
changement de regard. Aujourd’hui, on cherche à trouver des solutions,
principalement techniques, sans remettre en question la logique productiviste et
consumériste qui épuise les ressources, détruit la nature et créé de la pauvreté.
Nous n’envisageons la croissance qu’en terme de PIB, car semble-t-il, nous pensons
qu’elle seule peut nous sauver. Or, nous ne pourrons produire toujours plus et
indéfiniment à partir de ressources finies et non renouvelables.

La crise signe le moment favorable pour un changement de regard, de rapport au
monde, pour mettre en place un mode de vie plus respectueux de la nature.
Quantité d’initiatives émergent un peu partout. Elles ont le mérite de nous
montrer que l’on peut vivre d’une autre manière. Elles ont en commun d’être
fondées sur la sensibilité à l’univers du vivant. Cette sensibilité est un moyen
d’accès à la nouveauté car elle nous met en contact avec la profondeur du cœur.
De même la culture de l’émerveillement et de l’étonnement face au miracle
permanent de la vie. C’est en revenant vers la perception de la vie en soi et dans la
nature que l’on peut sortir de l’exil et retrouver la voie de la vraie vie. Ce retour en
soi ouvre des horizons nouveaux, insoupçonnés pour ceux qui n’en ont pas
l’expérience. Enfin les yeux voient l’invisible et les oreilles entendent l’inaudible.
« L’essentiel est invisible à nos yeux, on ne voit bien qu’avec le cœur » disait le petit
prince.

Cet essentiel affleure au cœur de notre quotidien sans que nous y prêtions
attention. Il advient dans la discrétion, dans le silence, il passe inaperçu. De même,
au sein de l’hiver et de la nuit, l’avènement du Messie est caractéristique du
surgissement de la nouveauté. Ignoré, il vient renverser le cours de l’histoire ;
Dorénavant, elle s’articule en avant et après Jésus Christ.
Le Messie est la nouveauté. Il est l’intériorité de toutes choses et réordonne toutes
choses à l’originel, telles qu’elles sont depuis l’origine. Il renverse les préjugés,
redresse les torts, prend le contrepied de la falsification imposée par l’homme
extérieur, dénonce l’instrumentalisation religieuse du message, guérit les malades,
ressuscite les morts. Il remet toutes choses dans leur dynamique
d’accomplissement. Les juifs attendaient un Messie glorieux, il vient dans la
discrétion et le dépouillement. Ils attendaient un libérateur selon ce monde, il se
fait crucifier. Ils pensaient être justifiés dans l’interprétation des Ecritures et dans
leur façon de vivre leur religion, Jésus leur apporte une lecture neuve et montre
que la finalité de la religion c’est l’amour de Dieu et l’amour du prochain comme
soi-même.

Le Christ est l’homme nouveau, après avoir fait émerger de Rien un univers
radicalement neuf, il révèle pleinement par son incarnation et sa vie la Nouveauté
à l’œuvre dans ce monde. Il vient bouleverser nos certitudes, nos installations, nos
schémas de pensée. Il nous fait sortir de notre logique terrestre et existentielle
pour nous élever au réel scellé dans les profondeurs et encore voilé à nos yeux.
« La seule réponse, c’est qu’il y a au cœur de notre histoire le cœur même de Dieu
qui nous parle dans cette humanité-sacrement, essentiellement dépouillée de soi, et
qui est l’humanité de Jésus-Christ. Et c’est à travers ce cœur de Dieu, qui est présent
en chacun de nous : il est intérieur à chacun. C’est à travers ce cœur de Dieu que
nous pouvons nous rejoindre tous et avec tous, et nous reconnaître et aimer.
»
Comment dire mieux le mystère de l’incarnation et de la communion. Maurice
Zundel nous invite à situer Jésus au cœur de notre activité humaine la plus
pressante pour que jaillisse la nouveauté. La plus parfaite expression de la
nouveauté, n’est-ce pas la naissance ? Laisser naître Dieu en nos cœurs, n’est-ce
pas, à la suite de Marie, la meilleure façon d’accéder à la nouveauté. C’est par lui et
en lui, dans le souffle de l’Esprit saint, que nous pouvons naître à une vie nouvelle,
passer de la mort à la vie et mener vers la victoire le combat apocalyptique dans
lequel nous sommes engagés. Si la structure de ce monde est dialogale, fondée sur
le Logos et traversée par le souffle de l’Esprit qui remet toutes choses dans le
dialogue, elle est aussi sous l’emprise du Diabolos, qui divise, oppose et engendre
la confusion. Apocalypse en grec signifie : révélation, dévoilement. Plus que jamais,
l’action du Diabolos dans le monde est dévoilée et se révèle Celui qui est. Il désire
naître dans nos cœurs et nous faire entrer dans un dynamisme nouveau. En ce
sens, il n’y a rien de plus urgent que de vivre le message délivré dans les Evangiles
et de donner la priorité à la croissance spirituelle dans l’esprit de la métanoïa. La
mutation essentielle s’inaugure dans le cœur de chaque être humain. C’est là notre
responsabilité.