La : Premiers pas sur le chemin de la guérison
Le mot métanoïa est traduit par « pénitence » ou par « repentir », mots devenus suspects en occident tant ils sont entachés d’une spiritualité doloriste. Métanoïa signifie « au-delà du noûs », au-delà de l’intellect, de notre raison rationnelle et se rapporte à un mouvement de conversion ou de retournement par lequel l’homme s’ouvre à plus grand que lui-même en lui-même. Le repentir est une ré-orientation du désir qui s’exprimait par rapport au monde et qui maintenant est orienté vers Celui qui est Source de désir en nous car il est Source de vie.
Par Père Philippe Dautais
1. La Métanoïa : dynamique de mutation
Appel à la synergie, à une rencontre , le repentir est le retour de la créature exilée vers le Créateur, ascension pour passer du terrestre au céleste, du conditionné vers la liberté. Tous les prophètes ont crié au peuple : « Convertissez-vous, revenez » (Isaie 21/12), « Faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau car je ne désire pas la mort de celui qui meurt mais qu’il se convertisse et qu’il vive » dit le Seigneur (Ez 18/31-32), ou encore « Revenez et détournez-vous de toutes vos transgressions afin que l’iniquité ne cause pas votre ruine » (Ez 18/30), afin que vous ne soyez pas enfermés dans les conséquences de vos propres actes. Jean-Baptiste, dernier des prophètes, introduit la venue du Christ par un appel à la métanoïa : « Repentez-vous car le royaume des cieux est proche » (Mt 3/2). Il « baptise d’eau pour amener à la repentance et préparer la venue du Seigneur » (Mt 3/11). La repentance est ici l’attitude nécessaire pour rencontrer le maître : « Il y a quelqu’un au milieu de vous que vous ne connaissez pas » (Jean 1/26).
L’homme enfermé en lui-même, réduit à son individualité naturelle, immergé dans les soucis de la vie temporelle, s’aliène aux nécessités de la survie existentielle : s’installent la peur de manquer, l’angoisse de l’insécurité, la hantise de la solitude, qui trop souvent font prendre des décisions qui engendrent des conséquences facheuses et alourdissent le fardeau du quotidien. Cette aliénation au monde visible et extérieur, à cet univers clos où tout est référé à nos perceptions et à nos conceptions, c’est le mouvement de l’égocentrisme. Celui-ci est l’expression d’une non-relation qui mène à la mort. Au cœur de cet exil, tel l’enfant prodigue qui a dissipé sa part d’héritage, chacun a la liberté de s’ouvrir. Quand toutes les portes sont fermées, quand nous sommes face à un mur, qu’il n’y a plus de solution existentielle, ni psychologique, Celui qui habite au cœur de nous-même nous invite à relever la tête (Gen 4/7). Nous sommes invités à la relation, c’est ici le sens de l’épreuve : nous sommes conviés à nous ouvrir à l’autre, à accepter la main tendue, à accepter d’être aidé. Pour apprécier le don de la relation, il faut le plus souvent avoir désespéré de ses propres prétentions à vouloir atteindre le but par soi-même, avoir désespéré de ses propres capacités à vouloir réaliser son bonheur selon ses propres conceptions, avoir reconnu ses manques et ses faiblesses pour donner place à l’autre, au tout Autre.
La rupture d’avec l’intime en nous s’exprime dans une schyze par laquelle nous devenons étranger à nous-mêmes (habitant une terre lointaine, étrangère) (Luc15/11.32) et vivons l’autre comme un étranger. Ayant éprouvé l’exil et ayant à nouveau soif de la relation, nous marchons sur le chemin du retour, tel l’enfant prodigue qui, réduit à l’état animal, se souvient de Celui qui est un appel vivant en nous.