La
La est au cœur de la prière de l’Eglise. Elle est la tonalité même de la prière.
La est tout à la fois l’expression de l’émerveillement, de la gratitude, de la révérence et de la dilatation du cœur sous l’effet de la grâce.
Elle est aussi ce qui nous fait accéder à la contemplation de la réalité telle qu’elle est.
Elle est en ce sens un chemin royal vers la « liberté glorieuse des enfants de Dieu ».
1. Les bergers et les mages.
Les évangiles nous racontent presque d’une manière naïve la naissance de Jésus de Nazareth : « Le temps où Marie devait accoucher arriva et elle enfanta son fils premier né »Luc 2/6. Cet événement se présente de la manière la plus ordinaire. Les bergers, avertis par les anges sauront discerner l’extraordinaire dans la banalité de la situation : « Ils s’en retournèrent glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu » Luc 2/20.
L’émerveillement jaillit des cœurs simples.
La naît de l’émerveillement. L’émerveillement jaillit des cœurs simples. La simplicité du cœur fait accéder spontanément à la profondeur de la réalité bien plus sûrement que la raison. Celle-ci en voulant tout expliquer s’empêche d’accéder au signifié, à la profondeur du réel. Elle ramène sans cesse l’inconnu dans la sphère du connu et interprète la nouveauté dans les catégories de l’ancien.
S’émerveiller, se laisser saisir.
S’émerveiller c’est se laisser saisir par l’indicible sans chercher à le comprendre, à le contrôler. L’émerveillement laisse en suspens(e) la raison, s’en affranchit afin d’échapper à l’emprise du terrestre. « Marie gardait toutes ces choses et les méditait dans son cœur » Luc 2/19. Par là elle repoussait les limites du temps et ne se lassait pas de demeurer dans l’imprégnation du mystère sans le laisser fouler par les considérations du monde.
Se laisser saisir par la magie de l’instant.
Vivre en suspens (en suspense) est devenu un luxe. Et pourtant quelle paix et quelle liberté pouvons nous éprouver quand nous nous laissons saisir par la magie de l’instant. N’arrêter son regard sur rien, le laisser s’évader loin des turbulences du quotidien, c’est là l’attitude propre à l’enfant qui se permet quelques évasions gratuites, peut-être par nostalgie. Redevenir comme des petits enfants ne serait-ce pas retrouver cette aptitude à l’émerveillement ?
Sans cette respiration, il semble bien que nous nous étouffons et que nous perdons contact avec la vie qui palpite derrière les apparences. Nous nous enfonçons dans la matérialité, dans la chosification, dans l’objectivation du réel qui devient une réalité morte. La culture de l’émerveillement est l’urgence de notre temps. Urgence pour la santé psychique des êtres et pour la santé de la nature.
L’émerveillement, sauvegarde de la nature.
La sauvegarde de la nature (et donc de l’homme) ne se réalisera pas par des lois et des décrets mais par l’avènement d’une nouvelle sensibilité acquise par l’expérience de l’émerveillement.
La raison qui domine notre univers culturel depuis un millénaire nous rend aveugle. Elle nous a enfermé dans le visible, dans le palpable et le consommable. Elle a réduit notre champ de vision au point de dénier toute réalité à ce qui n’est pas prouvé.
Juste respiration entre émerveillement et raison.
Nous en sommes arrivés, pour la première fois dans l’histoire de l’homme, au déni de la transcendance. Il ne s’agit pas d’affirmer l’émerveillement contre la raison mais de réintroduire le premier pour retrouver la juste respiration.
Nous avons perdu la dimension contemplative du noûs, de l’esprit qui est Silence-Logos-Pneuma ou Silence-Raison-Souffle. La raison est appelée à respirer avec l’émerveillement du silence et le dynamisme de la vie. Ce qui est dommageable, c’est la raison qui s’isole et prétend à l’hégémonie.
La précipitation contemporaine.
La précipitation contemporaine empêche d’accéder à cette grâce d’émerveillement. Pour favoriser une telle disposition, il nous faut renoncer à l’utilitaire, au profit, à la volonté de vouloir tout maîtriser.
Depuis une ou deux décennies sont apparues des fermes pédagogiques pour sensibiliser les écoliers aux merveilles de la nature. Trop souvent, on ne leur laisse pas le temps de découvrir par eux-mêmes mais on procède à l’inventaire des plantes et insectes du milieu naturel. L’enfant repart avec des noms dans la tête mais rarement avec le goût de découvrir par lui-même cette vie fourmillante et riche qu’on lui a présentée. Or ce temps lui aurait été précieux pour s’étonner, pour découvrir, pour s’émerveiller. Cette expérience aurait pu réveiller sa sensibilité et éveiller sa curiosité.
L’émerveillement éveille le désir.
Le plus essentiel est le désir de découvrir plus que la découverte, le désir d’apprendre plus que d’apprendre. L’émerveillement éveille le désir, le goût. Il ouvre sur un au-delà qui ne réduit pas le désir aux objets du désir. Il ouvre sur l’invisible au cœur du visible, sur l’impalpable au cœur du palpable, sur l’inaudible au coeur de l’audible. Il amène à pressentir l’indicible et constitue en cela la racine de la .
Bien après les bergers au cœur simple, les mages guidés par l’étoile viennent adorer le Créateur de l’univers. Par leur sagesse, ils ont su lire le signe céleste, point focal de leur quête. La contemplation du cosmos les a conduits vers l’auteur du cosmos auquel ils offrent l’or, l’encens et la myrrhe. La science plie le genou et s’émerveille devant la Sagesse Eternelle. Leur est exprimée par leur offrande.*