Cet épisode de la vie de Jésus (Luc V/1-11), peut-être entendu comme une parabole.
Jésus enseigne la foule par des paraboles, en prenant des exemples de la vie concrète pour nous signifier les réalités intérieures et célestes. Non seulement son enseignement s’exprime en parabole, mais toute sa vie, tout ce qu’il nous donne à voir, est symbolique. Le Christ, vrai Dieu, vrai homme, est l’archétype du symbole, de l’alliance entre Dieu et l’homme, entre le ciel et la terre.
Je retiendrai ici trois éléments :
- Les disciples que Jésus a recruté dans le milieu de la pêche sont appelés à devenir des « pêcheurs d’hommes », selon la parole même du Christ.
- La pêche signifie la mission qui consiste à prendre les âmes du milieu du monde pour les conduire vers le Royaume des cieux.
- La barque qui flotte sur les eaux du monde c’est l’Eglise dont le Christ est le chef. Les deux barques ne pourraient-elles pas signifier la nécessité de coopération des deux Eglises apostoliques ?
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Pêcheurs d’hommes
Les apôtres sont choisis par le Christ pour aller évangéliser le monde. Les disciples sont des êtres simples, même illétrés pour quelques-uns, comme Pierre.
Ils ont avant tout conscience de leur faiblesse. Pierre ne s’écrie-t-il pas devant le miracle de la pêche abondante : « Eloigne-toi de moi Seigneur, car je suis un homme pécheur » ? Simon avait, en effet, été saisi de stupeur devant la grande quantité de poissons ramenés dans leur filet, alors qu’il n’avait rien pris de toute la nuit.
Conscience de la faiblesse humaine et de la Puissance de Dieu. Cette double conscience caractérise l’humilité. Ne pas vouloir réussir par soi-même, mais laisser Dieu agir en soi.
La pêche symbolise la mission
Les apôtres avaient « travaillé toute la nuit sans rien prendre ». Le Maître les invite à jeter les filets en eau profonde.
Pour porter du fruit, il convient de descendre dans les profondeurs.
Ce n’est qu’en descendant dans la profondeur du coeur, là où se trouve le Christ, que l’on peut être fécond. L’Evangile nous montre que la pêche est abondante, car elle est le fruit de la bénédiction divine.
Simon a été mis à l’épreuve de l’obéissance. Le Christ lui montre que les fruits qu’il a pu constater par la pêche miraculeuse, seront de même nature dans la mission.
C’est pourquoi il lui dit : N’aie pas peur, dès maintenant ce sont des êtres humains que tu prendras.
La question du disciple est de demeurer en eau profonde avec le Christ, pour rejoindre l’humain dans sa profondeur. Afin, d’une part, de révéler l’appel du Christ pour chacun, et d’autre part, de mettre en évidence la générosité divine, car Dieu donne en abondance.
L’épître de Paul (2 Cor 9/6-11)commence ainsi : « Rappelez-vous ceci : celui qui sème peu récoltera peu, celui qui sème beaucoup, récoltera beaucoup. Que chacun donne librement sans regret ni obligation ».
C’est une invitation à élargir le coeur, à ne pas calculer, mais à s’ouvrir à la générosité de la vie qui signifie le don de Dieu. Donner beaucoup pour récolter beaucoup.
La barque signifie l’Eglise
La barque nous rappelle l’arche de Noé. Noé construit l’arche sur l’ordre de Dieu pour échapper au déluge.
L’arche signifie le coeur qui ne se laisse pas envahir par les émotions, les peurs, les passions. C’est dire le coeur spirituel et non psychologique.
Le Christ monte sur la barque pour signifier d’où il parle, c’est à dire de son coeur, de sa profondeur.
En même temps, la barque signifie l’Eglise, l’assemblée des disciples qui suivent Jésus.
L’Eglise flotte sur les eaux du monde sans se laisser engloutir.
Une barque appartient à Simon. L’autre barque appartient à Jacques et Jean, les fils de Zébédée. La pêche est tellement abondante que Pierre est obligé d’appeler à l’aide Jacques et Jean, sinon il va couler.
Ne peut-on pas voir dans ces deux barques, les deux Eglises apostoliques, celle de Pierre et celle de la conciliarité représentée par Jacques et Jean ?
Comme si, par cet Evangile, le Christ montrait la communion indispensable des deux Eglises souveraines pour la réussite de la mission.
Montrer que c’est ensemble, dans l’acceptation de la complémentarité, que l’on peut répondre le mieux à l’appel du Christ.
Articulation entre la Primauté de Pierre et la nécessaire conciliarité du collège des évêques.
Communion sans confusion entre les chrétiens de sensibilités différentes. Avènement d’une vraie Pentecôte pour l’Eglise.
En conclusion
Je conclurai avec la parole du Métropolite Daniel, élu récemment Patriarche de l’Eglise orthodoxe roumaine :
« Aujourd’hui, face à la société sécularisée, les chrétiens ne sont pas crédibles quand ils sont en conflit.
Ils jouissent en revanche d’une grande crédibilité devant le monde sécularisé quand ils dialoguent et quand ils coopèrent. Quand ils coopèrent dans le domaine social face à la souffrance, face à la pauvreté.
Par conséquent, il faut que nous voyons cette ouverture oecuménique des Roumains, non comme une simple mode, mais comme une façon de vivre ensemble de manière civilisée, comme un effort de passer du conflit au dialogue et de la confontation à la coopération.
S’il arrivait que nous relativisions la foi et la morale chrétiennes, alors l’Oecuménisme ne serait plus bénéfique pour nous.
Mais pour affirmer les valeurs profondes de l’Orthodoxie, nous croyons qu’il faut le faire par le dialogue, non par le conflit ou par l’agressivité.
Une Orthodoxie agressive n’est attrayante pour personne. Le laxisme non plus : il se dissoudrait dans un dialogue superficiel, sans discernement critique. »
Père Philippe Dautais