Intervenants :
Bertrand VERGELY, Igor SOLLOGOUB, Jean Marie GOURVIL,
Michel FROMAGET, Patricia LASSERRE, P. Philippe DAUTAIS
Nicolas Berdiaev (1874 – 1948) fut le chantre de l’esprit et de la liberté, plaçant la personne au cœur de la perspective chrétienne. Son œuvre, trop méconnue, s’avère aujourd’hui prophétique. Le philosophe russe avait perçu la mutation spirituelle dont nous sommes témoins. Il annonçait à ses contemporains dans les années quarante : « Nous entrons dans l’ère d’une nouvelle spiritualité, qui sera la contrepartie de la matérialisation de notre monde. A cette époque du christianisme correspondra une nouvelle forme de mystique. Il sera désormais impossible de s’opposer à une vie supérieure en invoquant le péché de la nature humaine, qu’il faut avant tout surmonter. Il n’y a plus de place désormais, dans le monde, pour un christianisme extérieur et fait de coutumes. La vie spirituelle et mystique constitue précisément le chemin qui mène à la victoire sur le péché (cad sur l’enfer et sur la mort). Le monde pénètre dans une époque catastrophique d’élection et de division, où une élévation et une intensité de vie intérieure seront exigées de tous les chrétiens… L’époque d’une nouvelle spiritualité dans le christianisme ne peut être que l’époque d’une manifestation sans précédent du Saint Esprit » in Esprit et liberté ; Editions DDB p 254.
Olivier Clément, théologien orthodoxe, qui est devenu chrétien à la lecture des ouvrages de Nicolas Berdiaev, prolongeait ce constat en affirmant : « aujourd’hui, la foi ne va plus sans l’intelligence de la foi ». La foi suppose l’expérience intérieure et ne peut se limiter à la croyance. Croire en Dieu est une chose, vivre en Christ en est une autre. Cette aspiration à la profondeur et à la rencontre intime avec le Tout Autre est la vie mystique. Celle-ci, précise Nicolas Berdiaev, est «une pénétration dans la profondeur spirituelle, où tout se passe autrement que dans le monde naturel, car il ne s’y trouve plus de division et aucune chose n’est extérieure à une autre. Il n’y a rien hors de moi, tout est en moi et avec moi, tout est dans ma profondeur. Je suis en tout et tout est en moi » Ibid p 253.
Pour mieux discerner les signes des temps et nous situer dans l’ère nouvelle qui apparaît, nous vous invitons à un temps de partage convivial autour de la pensée novatrice de Nicolas Berdiaev.
Du 20 juillet (accueil de 15h à 19h) au 23 juillet à 17h (300€)
Différentes facettes de la pensée et de l’histoire de Nicolas Berdiaev seront mis en évidence par les intervenants. Vous trouverez ci-après la présentation des exposés prévus:
BIOGRAPHIE DE NICOLAS BERDIAEV
présentée par Igor SOLLOGOUB, Historien et animateur culturel au sein de l’association ACER-MJO.
BERDIAEV, LE CHANTRE DE LA LIBERTÉ
Par Bertrand VERGELY, professeur de philosophie, enseigne en Khâgne et à l’institut orthodoxe Saint Serge. Auteur d’une cinquantaine de livres.
Berdiaev n’a eu qu’un souci en tête dans sa démarche philosophique: la liberté. Cette liberté qui l’a amené à s’engager dans le communisme est celle-là même qui l’a amené à en sortir et à rencontrer le Christ. Parce qu’il a vu dans le Christ la liberté de Dieu capable d’aller au-delà de Dieu en s’incarnant. Parce qu’il a vu dans le Christ la liberté de l’Homme désireux d’aller au-delà de lui-même dans la profondeur du créé afin de s’accomplir. Parce qu’il a vu dans le Christ la liberté de l’esprit capable de souffler partout. La spiritualité est la pratique de l’esprit qui est liberté créatrice. Berdiaev en montre la voie.
CRÉATION ET ESCHATOLOGIE, LE SENS DE L’ACTION CHEZ NICOLAS BERDIAEV
Par Jean-Marie GOURVIL, sociologue, ancien directeur des études dans un institut régional du travail social, est membre du comité de rédaction du Messager Orthodoxe.L’engagement dans la cité : un devoir que l’on se donne pour « faire son salut » ou à l’inverse une tentative de « construire le Ciel sur la terre » ?
Pour Nicolas Berdiaev notre engagement prend un sens spirituel lorsqu’il est constitué d’actes créateurs, manifestant notre divino-humanité, l’irruption de l’Esprit dans le fond de notre être, qu’il est anticipation du Royaume.
Perspective créatrice, prophétique qui rejette toute tentative de réification, d’instrumentalisation de l’engagement créateur.
NICOLAS BERDIAEV ET MAURICE ZUNDEL : UNE MEME ET LUMINEUSE COMPREHENSION DE LA VOCATION SPIRITUELLE DE L’HOMME.
Par Michel FROMAGET, anthropologue, Maître de conférences honoraire de l’université de Caen Basse-Normandie, auteur de, entre autres : « Corps-Ame-Esprit » Introduction à l’anthropologie ternaire (Albin Michel), Mort et émerveillement dans la pensée de Maurice Zundel (Lethielleux), Naître et mourir Anthropologie spirituelle et accompagnement des mourants (F.X. de Guibert), Un joyau dans la nuit Introduction à la vie spirituelle d’Etty Hillesum (DDB).
Paul VI, qui connaissait bien Maurice Zundel (1897-1975), dira de lui, qu’il « l’a toujours tenu pour un génie, génie de poète, génie de mystique, écrivain et théologien, et tout cela fondu en un, avec des fulgurations ». D’autre part, la vision de l’homme propre au grand philosophe russe Nicolas Berdiaev (1874-1948) fut reçue par les plus grands penseurs européens de son temps (E. Husserl, J. Maritain, E. Mounier, …) comme l’une des plus profondes du XXe siècle. Or, ces deux êtres d’exception avaient de la spiritualité exactement la même notion. Quelle est-elle ? En quoi nous interpelle-t-elle aujourd’hui jusqu’au plus profond de notre être ? En quoi se différencie-t-elle radicalement des contrefaçons promotionnées par notre temps ? Telles sont les principales questions qui seront abordées par cette conférence.
NICOLAS BERDIAEV ET JACOB BÖHME : UNE FILIATION SPIRITUELLE ET PHILOSOPHIQUE
Par Patricia LASSERRE, auteur d’une thèse de philosophie soutenue le 25 juin 2007 à l’Université Jean Moulin Lyon III sur ce thème.
« Nicolas Berdiaev ne pouvait qu’être séduit par les écrits du cordonnier théosophe Jacob Böhme dont il a traduit et préfacé en français l’un des ouvrages majeurs : le Mysterium Magnum, contribuant ainsi à le faire mieux connaître en France. Le style littéraire vivant, souvent confus et emprunt de symboles de Jacob Böhme le rapproche, aux yeux de Berdiaev, de l’esprit russe. Entre ces deux auteurs, il est question d’une parenté plutôt que d’une influence à proprement parler. Berdiaev remarque ainsi que la lecture de Böhme lui a permis de développer certaines de ses thèses personnelles. Le philosophe russe a, en effet, retrouvé chez Böhme la confirmation de ses propres intuitions concernant des thèmes clefs de sa philosophie tels : la question de la Liberté, celle de la Déité et celle du Mal. Il admirait en outre l’aspect inédit de certaines révélations mystiques du théosophe, sur la Sophia et l’androgynie primitive notamment. Enfin et surtout, il décela dans son œuvre les prémisses d’une anthropologie originale et avant-gardiste qui certes avaient échappé à leur auteur lui-même, mais dont l’actualité demeure toujours aussi saisissante. »
LA PERSONNE OU L’AVENEMENT DE LA DIVINO-HUMANITE
Philippe DAUTAIS, prêtre orthodoxe (Patriarcat de Roumanie). Fondateur et co-responsable avec son épouse Elianthe du Centre Sainte-Croix en Dordogne où il anime des sessions et retraites depuis 30 ans. Auteur de : Le chemin de l’homme selon la Bible aux éditions DDB ; « Si tu veux entrer dans la vie» et « Eros et liberté, clés pour une mutation spirituelle » Ed Nouvelle Cité
Le visage dit l’unicité de la personne. Les individus sont anonymes, ils font nombre les uns avec les autres. La planète compte sept milliards d’individus mais chacun a un visage unique, une manière unique d’exprimer la vie, chacun est appelé d’une manière unique par Dieu unique. C’est là le fondement de la personne comme altérité et capacité d’entrer en relation. Le visage dit la personne unique qui à la fois transcende et révèle la dimension spirituelle de l’univers. La notion de personne est à redécouvrir et à comprendre.
Nicolas Berdiaev considérait que l’avènement de la personne est « l’horizon sur lequel se révèle la vérité de l’être ». Elle signifie l’accomplissement spirituel de l’Homme qui ne peut être que le fruit de la coopération divino-humaine. En cohérence avec l’Evangile et la Tradition patristique, le philosophe russe nous entraine vers le sommet de la révélation judéo-chrétienne où amour, vérité, esprit et liberté se conjuguent et nous ouvrent sur une contemplation inouïe et bouleversante. Nous soulèverons quelques voiles.
Interview de P. Philippe Dautais par Carol Saba sur KTO le 6 mai 2017
(l’interview commence à la 10ème minute)
http://www.ktotv.com/video/001